Départ de Gisèle Lucas

Départ à la retraite de Gisèle Lucas, et fermeture du bar de Champagné-Saint-Hilaire le 1er Janvier 2012

    GISELE ET DANIEL

           Bistrot, estaminet, café, troquet, bar, buvette, brasserie, guinguette, taverne, cafèt ...ils en ont inventé des mots les Français pour désigner ces petits lieux clos ou ces petites terrasses sous les arbres où l'on pouvait boire autre chose que de l'eau ou de la piquette. Et surtout, où l'on pouvait se rencontrer. Le petit café, le petit blanc limé, le canon de gros rouge, le bock ou le demi de bière, le picon bière, la tournée de pastis avec beaucoup de jaune et un tout petit peu d'eau...c'était rarement pour se pochtroner tout seul, sauf en cas de cafard, c'était par envie de convivialité, c'était pour se reposer après le turbin -et pas uniquement le samedi soir !-, et passer de bons moments avec des copains, à marteler le zinc de vérités, à se jeter dans les moustaches des bonnes blagues, à plaisanter avec la serveuse.
Ah ! Comme cette chanson de Francis Carco, chantée par Yves Montand, Juliette Gréco, Marie Dubois, Frida Boccara ... rappelle bien l'ambiance des cafés d'autrefois.
                        Le doux caboulot
                        Fleurit sous les branches
                        Et tous les dimanches
                        Plein de populo.
                        La servante est brune,
                       Que de gens heureux  !       
Il y en avait combien des, des...allez, prenons le terme administratif ! des débits de boissons à Champagné autrefois ? J'en ai connu quatre en arrivant ici en 1972 tenus par la Nénette, le Claude ...Poupard, la mère Brunet, et celui qui ne coupait plus les cheveux, Monsieur Fouché.
Mais dans un autrefois plus lointain, c'était six, c'était 8, c'était 11 peut-être. Il faut dire que la dalle était toujours en pente, et que travailler des mains la terre, le bois, le fer, les voitures, ça donne soif !
Hélas ! Les drugstores et les Macdo sont venus à la charge, le grand verre en carton de coca glacé a supplanté le petit verre de jus de la treille, les gamins sont allés étudier et travailler en ville. Et, et..

On peut remercier Gisèle et Daniel d'avoir maintenu la tradition durant 34 ans à Champagné. La tradition du comptoir à hauteur de bras pour s'y accouder sans peine, ou qu'il faut atteindre par une ascension d'un siège haut. La tradition des bouteilles d'apéros bien alignées sur leurs étagères, offrant le choix aux langues desséchées. La tradition du vagissement de la cafetière ou du percolateur annonçant que le café est brûlant. La tradition des tables biens alignées, mais assez serrées pour qu'on se touche quand on joue à la belote. La tradition du sol nettoyé tous les soirs et le poêle ronflant pour couvrir le sifflement de la bise. La tradition des bouquets exhalant leurs doux parfums poivrés. Et surtout, surtout, la tradition du babyfoot, assailli par les jeunes, après un match sur le stade, pour prendre la revanche sur 80 cm2.
La pièce à côté, qui servait parfois de garage à Daniel et Gisèle, était en fait une salle des fêtes ! A leur époque, on n'y a plus fait de théâtre, on n'y a plus projeté des films d'aventures, mais on y a fait des banquets et des lotos.
Et le parvis que la commune a goudronné et où demeure la trace du puits, devenait l'été, avec deux ou trois tables, avec l'ombre des tilleuls, une terrasse accueillante et un poste d'observation de la vie communale.
Avant Gisèle et Daniel, cet établissement qui a fermé ses portes le 1er janvier 2012 a été le siège de la Kommandantur allemande en 1940, et quelques années avant leur arrivée, en 1966, il avait été le P.C. du tournage du film « Par mesure de silence » avec Muriel Baptiste, Alfred Adam et Paulette Dubost.
Oui ! Le café Viaud aussi célèbre à Champagné que le café Flore à Paris, mériterait bien d'être classé monument historique ! Non ! Pas Gisèle et Daniel tout de même ! Mais le mieux serait qu'il continue d'être un lieu de convivialité sous une autre forme peut-être, et que Gisèle et Daniel à qui on souhaite une retraite paisible, aient des successeurs !

Louis Vibrac le 6 Janvier 2012